Le crédit, dans son sens moderne, s’est développé en Suisse à travers plusieurs siècles, porté par l’essor du commerce, de l’industrialisation et par la place financière unique du pays. Voici un aperçu des grandes étapes de l’histoire du crédit en Suisse :
1. Les origines médiévales et l’Époque moderne
1.1. Les foires médiévales et le troc
- Au Moyen Âge, l’économie suisse est principalement rurale et fondée sur l’agriculture. Les échanges s’opèrent sous forme de troc, de monnaies locales et de foires régionales.
- L’emprunt existe déjà, sous des formes rudimentaires : les seigneuries ou monastères peuvent accorder des avances (céréales, bétail), parfois assorties d’intérêts ou de redevances en nature.
1.2. L’émergence des premières banques
- Avec l’essor des villes marchandes (Lucerne, Zurich, Berne…), les marchands et orfèvres accumulent des capitaux qu’ils peuvent prêter aux artisans et aux négociants.
- Au XVIᵉ siècle, l’arrivée de banquiers étrangers et la naissance de maisons bancaires suisses (souvent familiales) posent les jalons du système de crédit.
2. De l’industrialisation au XIXᵉ siècle à la naissance d’un système bancaire
2.1. Le XIXᵉ siècle et la révolution industrielle
- L’industrialisation de la Suisse (industrie textile, horlogerie, mécanique) demande des investissements considérables. Les entrepreneurs ont donc besoin de capitaux pour acheter des machines et construire des usines.
- Des banques cantonales et régionales se créent pour répondre aux besoins locaux en crédit. Elles sont souvent fondées sous l’impulsion des autorités publiques ou d’associations d’industriels.
- Le Crédit Suisse (fondé en 1856) et l’Union de Banques Suisses (UBS, issue de plusieurs fusions, dont la Banque d’Hiver et la Banque du Toggenbourg) se développent pour financer, entre autres, les infrastructures ferroviaires et l’industrie.
2.2. L’émergence des caisses d’épargne
- Le mouvement des caisses d’épargne se généralise. Il s’agit de banques populaires destinées à collecter l’épargne des ménages et à faciliter l’accès au crédit pour les petits artisans, les agriculteurs et les particuliers.
- Ces caisses contribuent à démocratiser l’accès au crédit, qui n’est plus réservé à une élite fortunée.
3. Le XXᵉ siècle : diversification et encadrement
3.1. Le développement du crédit à la consommation
- Après la Première Guerre mondiale, la croissance économique voit naître une classe moyenne avide de biens (électroménager, automobile…). Les grands magasins et certaines banques commencent à proposer des facilités de paiement à leurs clients.
- Progressivement, se met en place un système de crédit à la consommation, avec des taux et des modalités qui diffèrent de celles du crédit commercial.
3.2. La régulation du secteur bancaire
- Les crises économiques du XXᵉ siècle (1929, 1970, etc.) amènent l’État suisse à renforcer l’encadrement du secteur bancaire et à instituer des organes de surveillance.
- La Banque nationale suisse (BNS), créée en 1907, définit la politique monétaire. La Commission fédérale des banques (devenue Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, FINMA) veille au respect de règles prudentielles et à la stabilité du système.
- Dès la seconde moitié du XXᵉ siècle, les crédits se diversifient : crédit hypothécaire (pour financer l’immobilier), crédit commercial (pour les entreprises), crédit-bail/leasing (pour le matériel industriel ou les véhicules), etc.
4. De la fin du XXᵉ siècle à aujourd’hui : digitalisation et internationalisation
4.1. Le boom du crédit hypothécaire
- L’accès à la propriété connaît un fort engouement. La concurrence entre banques et assurances fait baisser les taux hypothécaires, dynamisant l’emprunt immobilier.
- Dans le même temps, la Suisse adopte des lois visant à protéger les consommateurs, notamment la Loi fédérale sur le crédit à la consommation (LCC), entrée en vigueur en 2003, qui fixe un cadre légal pour le crédit privé.
4.2. La montée en puissance du crédit en ligne
- Avec l’avènement d’Internet, de nouveaux acteurs émergent : plateformes de prêt peer-to-peer, courtiers en crédit et banques en ligne.
- Les demandes de crédit se font de plus en plus souvent via des formulaires numériques. Les délais de réponse s’accélèrent grâce à des algorithmes d’analyse du risque et à l’automatisation de certaines étapes.
4.3. Les enjeux actuels
- Régulation accrue : Après la crise financière de 2008, les exigences de fonds propres et les règles de conformité (compliance) se sont durcies pour assurer la solidité des banques.
- Transition numérique : Les fintech suisses explorent de nouvelles solutions (crowdlending, scoring automatisé, open banking) qui transforment la relation entre prêteur et emprunteur.
- Crédit responsable : Dans un contexte de surendettement potentiel, la loi impose des limites sur les taux d’intérêt maximaux, et les établissements doivent vérifier la capacité de remboursement des clients.
L’histoire du crédit en Suisse est étroitement liée à l’évolution économique et industrielle du pays. Des premières foires médiévales aux plateformes de financement participatif, en passant par la création des banques cantonales et le boom du crédit hypothécaire, on constate :
- Une forte tradition de stabilité : La neutralité et la prospérité de la Suisse ont contribué à la confiance des acteurs financiers.
- Une régulation prudente : L’État suisse a progressivement mis en place des mécanismes de surveillance et des lois (LCC) pour protéger les consommateurs et garantir la solidité du système bancaire.
- Une capacité d’innovation : Qu’il s’agisse d’infrastructures ferroviaires au XIXᵉ siècle ou de fintechs au XXIᵉ, la Suisse sait accompagner (et financer) le progrès technologique et économique.
Aujourd’hui, le crédit suisse continue de se renouveler, avec une place croissante donnée au numérique, à la concurrence entre banques et acteurs alternatifs, et à la prise en compte des enjeux de responsabilité sociale et financière. Dans ce contexte, la Suisse demeure un marché de crédit solide et attractif, où la tradition bancaire rencontre une modernité en constante évolution.